Un article de Daniela Bishop

Le processus thérapeutique
comme outil de reconstruction du soi

Maud Jeulin est psychologue du GAMS Belgique et travaille à l’antenne de Namur. Son travail, c’est de libérer la parole, de la centrer sur le désir et de réinventer la relation aux autres. Lors des échanges thérapeutiques, les femmes confrontées aux mutilations génitales féminines (MGF) et/ou aux mariages forcés se libèrent de ce qui les empêchent d’avancer. À travers cet article, Maud souhaite rendre compte du processus thérapeutique lié à la reconquête de sa propre vie.

De la survie à la vie

La personne qui vient en consultation psychologique a pris la décision fondamentale de passer de la survie à la vie. L’objectif du processus thérapeutique est de passer à une situation où l’on est dépossédé·e de sa voix, à une situation où l’on en est maître.

« J’observe chez mes patientes que le ‘moi’ n’est pas maître. Il y a de l’autre en chacun·e, de l’ombre qui agit à son sur et à son insu sur les moindres actes de la vie, de l’autre qui demande à être entendu·e. », explique Maud.

Dans la thérapie, la personne est rejointe dans sa faiblesse, dans ce qui la tient figée et persécutée, pour entamer le chemin de la guérison. Le rôle du ou de la thérapeute sera d’écouter la vérité subjective de la personne pour lui permettre un processus de métamorphose.

 

Libérer la parole

En accompagnement thérapeutique, la parole subjective est à entendre comme celle qui ouvre à un processus de délivrance. Alors que la conversation ordinaire utilise les mots de manière réglée et ordonnée, la personne qui vient en thérapie est invitée à parler, à dire ce qui vient avec ses propres mots, et non ceux des autres. Il s’agit ici de dire ce qui est, loin du corps communautaire.

La parole en thérapie est tâtonnante, en quête d’éclaircissements. C’est elle qui fera avancer.

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Sortir le désir de l’obscurité

Le deuxième axe thérapeutique est d’accompagner la personne dans ce qu’elle va faire de son désir. Mais celui-ci est parfois inconscient et la personne peut se trouver fortement aliénée.

« Les femmes que je rencontre en thérapie ont perdu foi en leur désir. Il y a la peur de vivre fondamentale qui s’est progressivement installée à cause des persécutions dont elles ont été victimes. Cette peur prend des visages multiples : repli sur soi, évitement, angoisses, phobies, dépression, reviviscence de la mémoire traumatique, confusion, terreurs nocturnes… »

La thérapie aura alors pour objectif de retrouver ce désir enfoui, et de se le réapproprier, loin des scénarios de vie qui ne lui appartiennent pas.

 

Réinventer la relation aux autres

Le travail thérapeutique interroge les premières relations dans l’enfance : les figures d’identification mais aussi les figures persécutrices, les images que la personne a d’elle-même et des autres.

« Le processus thérapeutique a pour visée de pouvoir, en fin de compte, dénouer les nœuds asphyxiants et de mettre en lumière ce qui commande le mal-être. On peut penser, par exemple, à l’excision et au mariage forcé comme une prise de pouvoir sur celle qui les subit. Prendre la fuite en exil pour sauver cette part de soi encore vivante ne va pas sans la traversée de conflits de loyauté, ou encore de pertes et de séparations avec des êtres chers. »

La thérapie a pour objectif ultime d’accompagner la personne dans tout ce qu’elle a à quitter : sortir de la cruauté et de la tristesse pour s’ouvrir à la vie.

« Guérir, c’est sortir du cadre étouffant pour prendre sa vie en mains. C’est se délivrer de tout lien de dépendance, y compris celui avec le ou la psychologue. », conclut Maud.

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