Entrevue

Pauline Soupa : de bénévole à salariée

Depuis sa création, le GAMS Belgique a toujours pu compter sur des personnes engagées : sages-femmes, traducteurs·rices, interprètes, garde d’enfants, accompagnement des femmes concernées, consultant·e·s en informatique et tant d’autres.

Habité∙e∙s d’abord par un profond engagement, les bénévoles sont à la fois les témoins et les acteurs·rices de l’évolution du GAMS Belgique depuis de nombreuses années. Chacune de ses personnes apportent une précieuse contribution pour faire avancer le travail de notre association. Pour Pauline Soupa, sage-femme, cela fait 10 ans que cela dure. Pour célébrer ces longues années d’engagement, nous lui avons posé quelques questions.

Comment as-tu décidé de t’engager pour le GAMS ?

J’ai rencontré Fabienne à l’issue d’une conférence qu’elle a donnée. Ce sont nos sensibilités de sages-femmes qui nous ont réunies. J’avais envie de m’impliquer alors j’ai commencé à venir au Dernier Vendredi du Mois (ndlr : une des plus anciennes activités communautaires du GAMS). Je me suis imprégnée de l’ensemble du GAMS, j’ai accroché et de là, est venue l’idée de créer un atelier de préparation à la naissance pour les femmes enceintes.

 

Quand ces ateliers de préparation pour les femmes ont-ils commencé ?

Ils ont commencé dans la foulée en 2011. J’ai rassemblé quelques amies sages-femmes et on a testé les premières formules. On a commencé par 3 séances prénatales. Très ambitieuses, on a testé pendant un moment 8 séances. Nous avons expérimenté plusieurs formules pendant une petite dizaine d’années. Les ateliers de préparation à la naissance ont été en standby avec le confinement. Il y a eu beaucoup d’intervenantes différentes au fil des années car c’est du bénévolat et il fallait le combiner avec les horaires coupés des hôpitaux. Au fur et à mesure, nous avons agrémenté nos ateliers par des soins plus en lien avec le bien-être corporel pour reconnecter les femmes à leur corps, au soin et au toucher.

 

Pour toi, quels sont les temps forts de ces dix années de bénévolat ?

Il y a d’abord la genèse du projet avec toute l’excitation des premières fois et de voir qu’on a fait sortir quelque chose de terre. Ce qui m’a toujours encouragé à poursuivre, c’est le retour des femmes qui reviennent après l’accouchement avec leurs bébés. C’est grâce à cela, qu’on a pu voir ce qui a été utile, ce qui manque et ce qui est à améliorer. Et puis aucune séance ne se ressemble. Il y a parfois des groupes où la dynamique est incroyable avec une émulation qui permet d’aborder des sujets plus tabous en termes de sexualité, de contraception ou autre. Il y a plein de belles choses qui germent et on se dit que finalement, en tant qu’animatrice, tu n’as pas eu besoin de parler car les femmes ont pris la parole. C’est quelque chose que j’ai gardé aujourd’hui dans mes ateliers. Mon objectif est aussi de faire de l’empowerment en m’assurant qu’elles aient pu toutes s’exprimer, dire ce qu’elles avaient à dire, poser leurs questions au-delà de la barrière de la langue. Je me rends compte également que grâce à nos animatrices communautaires, on arrive à dépasser celle-là. Nous avons par moment, des différences culturelles entre des femmes venues d’Afrique de l’Ouest et celles d’Afrique de l’Est. Tous ces échanges sont d’une grande richesse.

 

Lors des préparations à la naissance, qui est présent·e de l’équipe du GAMS ?

Il y a une sage-femme et une ou plusieurs animatrices communautaires ou des relais en fonction des langues parlées par les femmes et des antennes où nous faisons l’atelier. Par exemple, à Liège, il arrive qu’on fasse appel à des bénévoles. Lorsque le groupe est hétérogène au niveau des pays d’origine, il peut y avoir jusqu’à trois personnes en charge de la médiation culturelle. Il arrive quelquefois que les femmes parlent français ou anglais, dans ces cas-là, je peux faire l’animation seule.

 

Tu es passée de bénévole engagée à salariée au GAMS. Explique-nous comment cela s’est passé ?

Cela faisait quelques temps qu’au sein du GAMS, on parlait d’ouvrir un poste consacré à ces ateliers et j’en étais moi-même convaincue. Au bout de dix ans, la formule bénévolat commençait à s’essouffler. On ne pouvait plus proposer des ateliers avec un suivi. Il fallait une personne référente qui puisse gérer le suivi, avoir la même personne pour chaque atelier et s’occuper de toute la logistique. Lorsque Fabienne (Richard) a pu trouver les fonds par le biais de l’ONE pour ouvrir ce poste à mi-temps, j’ai vu l’annonce passer, j’ai tout de suite postulé. J’avais vraiment envie de voir renaître ces ateliers sous une autre forme et avec une personne qui a du temps à y consacrer.

 

Et qui a une expérience de dix ans au GAMS…

En plus d’avoir l’expérience au GAMS, ce qui a également joué en ma faveur, c’est que j’ai également travaillé durant 12 ans au CHU Saint-Pierre qui accueille une grande population très diversifiée, et beaucoup de personnes migrantes. J’ai accompagné pour leur accouchement beaucoup de femmes guinéennes et d’autres femmes migrantes concernées par les MGF. J’ai une expérience de terrain concrète sur l’accompagnement et le suivi post-natal des femmes excisées et cela me permet de les accompagner et de les diriger vers les bons services en fonction de leurs besoins durant les séances. Avec Fos (animatrice communautaire au GAMS), nous avons aussi vu des situations de femmes infibulées et pu faire l’accompagnement et aborder la question de la désinfibulation avec les femmes et leurs gynécologues.

 

Tu te déplaces aussi dans plusieurs villes avec ce projet.

Oui, je fais des animations à Bruxelles, à Namur et à Liège pour l’instant. Et il est aussi envisageable qu’on se déplace dans les centres d’accueil si on a une demande spécifique de plusieurs femmes enceintes hébergées dans un même centre.

 

Un mot pour définir le GAMS après autant de temps dans cette institution.

Le GAMS, c’est une grande famille, c’est militant. C’est quelque chose qui te prend aux tripes, tu ne viens pas travailler ici par hasard. Je ne peux pas donner qu’un mot. J’ai des mots, beaucoup de mots. Ce sont des échanges, des découvertes, de l’éveil à l’humanité. Voir comment nous sommes tou·te·s différent·e·s et comment on peut tou·te·s se retrouver finalement.

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour le projet ONE que tu promeus ?

Les préparations à la naissance représentent une partie du projet ONE et j’ai l’impression que ce volet a bien démarré. J’aimerais maintenant pouvoir me focaliser sur le volet formatif au niveau du personnel ONE et PSE (Promotion de la santé à l’école). Nous avons un grand travail à faire pour atteindre des jeunes filles. C’est un public qu’on peut atteindre via la médecine scolaire, j’ai beaucoup d’espoir.

Exit