Chirurgie esthétique génitale

Dans toute société patriarcale, les représentations des femmes et des hommes dictent la façon dont chacun·e s’exprime, s’habille, se comporte. Ces normes sociales peuvent aussi concerner l’anatomie des organes génitaux externes comme c’est le cas dans les communautés où l’excision (et aussi la circoncision) est pratiquée.
De plus, dans certains pays, notamment en Belgique, des femmes et filles se soumettent volontairement à des chirurgies esthétiques de la vulve afin que leur anatomie corresponde aux normes de beauté en vigueur.

Les mutilations génitales féminines et les mariages forcés sont une violence de genre dans le but de contrôler la personne (tant au niveau physique que mental). Ces violences de genre peuvent avoir de lourdes conséquences tout au long de la vie des personnes concernées.

Que sont les chirurgies esthétiques génitales

La chirurgie esthétique génitale inclut entre autres la labioplastie (réductions ou la restructuration des grandes ou petites lèvres) ainsi que les modifications du clitoris, y compris le remodelage du gland clitoris et la réduction ou l’ablation du prépuce du clitoris. A cela s’ajoute également l’hyménoplastie (la « reconstruction » de l’hymen), ainsi que les opérations de rétrécissements de l’ouverture du vagin.

Dans le cas d’une réduction des petites lèvres, l’on parle de nymphoplastie.

Une procédure, appelée la « Barbie » d’après la fameuse poupée, impliqué l’opération des labia minora (parfois une ablation totale ou une suture) afin de créer une vulve totalement « lisse » sans labia minora apparentes.

La demande de telles chirurgies peut être purement esthétique, provenir d’un mal-être (honte, commentaires négatifs provenant de partenaires, etc), d’un inconfort en portant des vêtements serrés ou en pratiquant certaines activités (sexuelles, vélo…), ou viser une augmentation du plaisir sexuel pour la femme elle-même et/ou pour un partenaire.

L’accès à la pornographie sur internet, consommée par les hommes et les femmes dès un jeune âge, est évoqué comme l’une des raisons de l’augmentation des demandes de chirurgies esthétiques dans les pays occidentaux. Des adolescentes et femmes adultes viennent dans les cliniques avec des images de « vulves idéales » qui sont souvent des images retouchées de magazines pornographiques ou d’internet ne correspondant pas à l’anatomie réelle. De plus, la mode de l’épilation génitale complète rend visible l’anatomie de la vulve qui a d’autres périodes était plus cachée par les poils.

Il existe encore trop peu de données sur les conséquences des chirurgicales esthétiques génitales sur la santé, la sexualité et l’accouchement, notamment à long-terme. Certaines recherches montrent des taux de complications relativement faibles, bien que toute chirurgie comporte un risque. Les conséquences négatives identifiées seraient relatives au plaisir sexuel, aux infections, et à la cicatrisation.

Quelles similarités avec les MGF ?

Les chirurgies plastiques génitales peuvent à différents niveaux être comparées à des MGF par la similarité de certaines pratiques et par le fait qu’elles sont pratiquées pour des raisons non médicales.

Les deux pratiques sont courantes dans des parties différentes du monde : les MGF sont plus courants dans des pays d’Afrique et d’Asie (et de la diaspora) alors que les chirurgies esthétiques génitales sont plus souvent pratiquées en Europe, Amérique du Nord et Australie. Concernant l’âge des interventions, les MGF sont principalement pratiquées sur des enfants (parfois nourrissons ou adolescentes) alors que les chirurgies esthétiques génitales sont plus souvent pratiquées sur des adultes et de plus en plus sur des adolescentes. Les chirurgies esthétiques intersexes qui sont également pratiquées sur des nourrissons et enfants (voir texte à ce sujet). Les MGF sont pratiquées par des exciseuses traditionnelles, des professionnel·le·s de santé (sage-femmes, infirmièr·e·s, médecins..) alors que les interventions esthétiques sont pratiquées par des chirurgien·ne·s et aussi par des professionnel·le·s du piercing/tatouage.

La demande de chirurgie esthétique provient généralement des femmes (filles) elles-mêmes. Néanmoins, celle-ci est nourrie par la norme sociale véhiculée par la diffusion de l’image de la « vulve idéale » ou par l’obligation de virginité pré-matrimoniale pesant sur les femmes. Des raisons esthétiques ainsi qu’une pression sociétale peuvent donc jouer un rôle dans la pratique de la chirurgie esthétique. Ceci, au même titre que les mutilations génitales féminines.

Remarques

  • En pratique, il est fréquent de les distinguer en deux grandes catégories : l’excision et l’infibulation (la distinction entre les types 1 et 2 n’est pas toujours aisée à faire pour un clinicien qui n’est pas familier des mutilations génitales féminines). Il arrive également que les petites lèvres se soudent spontanément sans qu’il y ait eu une suture avec du fil ou des épines d’acacia.
  • Le clitoris est un grand organe (de 8 à 10 cm) dont la majeure partie est interne. L’excision correspond à l’ablation de la partie visible ou externe (le gland du clitoris) mais pas à la totalité du clitoris. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a adapté la description des différents types de MGF en 2022 en remplaçant « ablation totale du clitoris » par « ablation totale du gland du clitoris ».

D’autres pratiques apparentées aux MGF

Qu’en disent l’OMS et la loi belge ?

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) décrit les MGF comme toute intervention incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins, pratiquées pour des raisons non médicales (OMS, 2008). Une intervention cosmétique peut alors être comprise dans cette définition. Or, si la stratégie de médicalisation des « formes traditionnelles de MGF » est confrontée à de fortes résistances, les interventions chirurgicales sur la vulve pour des raisons purement esthétiques sont légales et deviennent plus courantes en Europe.

La loi belge autorise d’ailleurs la chirurgie esthétique sur les mineur·e·s en raison d’un malaise ressenti par la personne, avec le consentement des parents.

Nous pouvons nous demander pourquoi l’OMS reste si silencieuse au sujet de l’augmentation des labioplasties alors qu’elle oppose fermement les mutilations génitales féminines ? Pourquoi de telles pratiques seraient-elles acceptables pour une femme occidentale, mais considérées comme une mutilation pour les femmes originaires d’autres continents ? Pourquoi certaines femmes peuvent consentir à une réduction (ou ablation) des lèvres, alors que d’autres ne peuvent pas ?

De même, la loi belge criminalise toutes MGF, y compris sur une personne consentante (dont les femmes majeures), alors que les chirurgies esthétiques génitales sont légales, y compris sur les adolescentes mineures. Cela montre un double standard.

De manière pratique plusieurs questions se posent : Est-ce qu’une femme vivant en Belgique, originaire de pays où les MGF sont pratiquées, peut demander une chirurgie esthétique sur son organe génital externe ? Est-ce que le/la chirurgien·ne ayant pratiqué une telle chirurgie risquerait d’être puni·e sur base de l’origine de la patiente ?

 « En Belgique, il y a une hypocrisie autour des MGF dans le sens où certaines formes sont tolérées et ne sont pas punies par la loi. Nous pensons par exemple aux piercings, à la chirurgie esthétique génitale, etc. Pourtant, selon la définition de l’OMS on pourrait considérer ces pratiques comme des formes de mutilations génitales. En tolérant ces pratiques, la protection des femmes et filles est mise en danger car une fille pourrait faire pratiquer un type de mutilation à l’hôpital ou chez le pierceur, par exemple. La loi devrait protéger contre tous les types de MGF et s’appliquer à toutes les femmes, de toutes origines… »

 

Un relais communautaire du GAMS Belgique, antenne de Flandres

Définitions

 

  • Nymphoplastie / Labioplastie– une intervention de chirurgie plastique sur les grandes lèvres et/ou les petites lèvres (labia) de la vulve. Il peut s’agir d’une réduction, d’un remodelage ou d’une augmentation de la taille des lèvres. Elle peut aussi être utilisée pour réparer les lèvres abîmées par une maladie ou une blessure.

 

  • Hymenoplastie – Une intervention de chirurgie intime de la femme, à visée esthétique, qui consiste à « réparer » l’hymen de la femme afin de lui donner une « deuxième virginité », c’est-à-dire d’entrainer un saignement lors d’un rapport sexuel pénétratif.

Ressources

Texte adapté à partir du chapitre « La chirurgie esthétique génitale, ça n’a rien à voir avec les mutilations génitales » du guide « Mutilations sexuelles : déconstruire les idées reçues », publié par les SC-MGF et le GAMS en 2016.

Bibliographies et sources
  • Boddy, J. (2016), « The normal and the aberrant in female genital cutting: Shifting paradigms, » HAU: Journal of Ethnographic Theory 6, no. 2: 41-69. Disponible en ligne: https://doi.org/10.14318/hau6.2.008
  • Boddy, J. (2007). Gender Crusades: The Female Circumcision Controversy in Cultural Perspective. In: Y. Hernlund and B. Shell-Duncan, ed., Transcultural bodies. Female Genital Cutting in Global Context, New Brunswick, New Jersey, London: Rutgers University Press, 46-66
  • Coordination des ONG pour les droits des enfants, CODE. (2014). Les mineurs ont-ils le droit de disposer de leur corps ? Analyse mars 2014.
  • Dobbeleir, J., van Landuyt, K. and Monstrey, S. (2011). Aesthetic Surgery of the Female Genitalia, Seminars in Plastic Surgery. 25(2), 130–141. Disponible en ligne: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3312147/ (15/10/2016)
  • Earp, B. D., & Steinfeld, R. (2017) Gender and genital cutting: A new paradigm. In Teresa Giménez Barbat (Ed.), Gifted Women, Fragile Men. Euromind Monographs 2, Brussels: ALDE Group-EU Parliament. Disponible en ligne : https://www.researchgate.net/publication/316527677_Gender_and_genital_cutting_a_new_paradigm (1/8/2018)
  • Shahvisi, A., & Earp, B. D. (in press 2019). The law and ethics of female genital cutting. In S. Creighton & L.-M. Liao (Eds.) Female Genital Cosmetic Surgery: Solution to What Problem? Cambridge: Cambridge University Press. Disponible en ligne : https://www.researchgate.net/publication/322287554_The_law_and_ethics_of_female_genital_cutting
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